Trouver un titre qu’on a envie de partager (Culture Box)

Bertrand Belin est connu pour ses textes parfois sibyllins. La chanson Je pars en fou, tiré de son dernier album en date Cap Waller (une splendeur, au demeurant), débute ainsi :

« Dans cette matinée le jardin est brillant
Les arbres sont tordus ils sont tout ce que j’ai
Dans cette matinée les arbres sont tordus
Et leur feuillage est roux, je parle en fou »

« Franchement, je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de compliqué dans mes textes, se défend le chanteur. J’emploie un vocabulaire simple, des formulations directes, et je décris des situations très concrètes. » C’est peut-être là que le bât blesse. Ses chansons, très poétiques et terre à terre tout à la fois, peuvent perdre l’auditeur habitué aux chansons de situations. « C’est une forme qui moi me convient, explique Bertrand Belin. Je creuse mon sillon, je n’en démordrai pas. J’ai décidé que c’était bon pour moi. »

Pour autant, Bertrand Belin ne se formalise pas à l’idée que ses auditeurs tordent le sens des paroles de ses chansons. « Je crois que quand on écoute mes chansons, on les achève, on y projette sa propre chair. Il y a un rapport de collaboration entre moi et les auditeurs. »

Voilà pourquoi ses textes sont le plus souvent écrits à la première personne mais restent contemplatifs. « Je ne cherche pas à me mettre en avant. Au contraire, je m’efface. Ma voix, c’est une voix générale. Mes chansons ne sont pas autobiographiques, ce sont des histoires que je distribue dans une silhouette anonyme. »

Evidemment, des générations de fans des musiques anglo-saxonnes se sont égosillées en yaourt sur les tubes pop. Le répertoire de la pauvre Whitney Houston a été élevé au rang d’art par certains apprentis chanteurs des télécrochets.

Etrangement, il n’en va pas différemment quand il s’agit de chansons en français. « Certaines personnes chantent en concert en étant sûres de connaître les paroles par cœur depuis des années, raconte Alain Souchon. Avec Le Bagad de Lann-Bihoué par exemple, les gens sont formidablement inventifs. » Le chanteur rejoint Bertrand Belin quand il invoque le devoir de « laisser aller les chansons. Elles ne nous appartiennent plus dès l’instant où on l’enregistre et qu’on la diffuse. Des gens sont venus me voir très fiers de me dire que L’amour à la machine était leur chanson, qu’ils s’étaient embrassés dessus, qu’ils l’avaient chanté pour leur mariage… Alors qu’en fait c’est une chanson qui m’évoque personnellement un certain désespoir amoureux. »

Philosophe, Laurent Voulzy juge que « les gens entendent ce qu’ils veulent entendre. Si la chanson leur plaît, ils sont heureux et imaginent inconsciemment des paroles joyeuses. C’est flatteur en un sens parce que ça montre qu’ils sont à l’aise, ils s’abandonnent un peu à la musique. »

C’est cet abandon-là que Bertrand Belin espère quand il refuse de donner une explication de ses textes : « Je n’ai pas le devoir d’expliciter mes chansons. Je fais de l’art figuratif. Il y a une somme suffisante d’information dans le texte et je crois que j’articule assez bien. Certaines personnes ont peut-être peur de s’investir émotionnellement dans les chansons, alors que c’est tout le plaisir quand on écoute une chanson. »

A l’exact opposé de Bertrand Belin dans le spectre de la chanson française, Christophe Maé nous avait confié avoir le même sentiment : « Mes fans veulent toujours savoir ce qui se cache derrière les paroles, si ça a quelque chose à voir avec ma vie privée. Je comprends cette curiosité, mais j’aimerais aussi qu’ils écoutent les paroles en oubliant que c’est moi qui les chante, pour les vivre eux-mêmes et inventer leur propre interprétation. »

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